lundi 25 décembre 2017

Petite excursion dans la selva

Allez, zou ! Un peu à la veille pour le lendemain, je pars pour voir la faune amazonienne en dehors d’Iquitos, dormir dans la selva (la jungle !) avec tous les dangers qu’on y fantasme. Bon, ok, j’y vais surtout en espérant voir des oiseaux comme des toucans, des aras, des bestioles chouettes et colorées et pourquoi pas un paresseux.

Lundi 18 décembre :
Départ à 15h15 de l‘agence. Le propriétaire, Ronaldo, un péruvien qui parle super bien français et bosse dans le tourisme depuis 25 ans, m’attend avec son collègue Raul. Prêts à décoller alors que j’ai réservé pour 15h30. Je ne descends quasiment pas de mon tuk-tuk que nous repartons aussitôt direction Nanay, le nord d’Iquitos pour rejoindre une embarcation et c’est parti ! A bord d’une grande barque couverte, nous sommes bien à notre aise à seulement 2 personnes et nous descendons le fleuve, l’Amazone, bien large, c’est grand, vert, sauvage, avec ces cahutes de pêcheurs typiques sur ces rives (avant la crue de janvier qui engloutira tout), ces petites barques qui partent attraper le poisson et ces magnifiques bateaux de la raffinerie située un peu plus au nord de la ville… Ah bah oui, c’est 670 000 habitants Iquitos tout de même.
Arrivée à 17h, première chose que je vois, des libellules sur le rivage, type aeshne, bien jolies. Le dîner est à 19h, j’ai le temps de découvrir les lieux et le lodge. Je me promène en bord de rivière. En fait, il existe un chemin qui longe la rive en va d’habitations en habitations.
Je vois, photographie quelques oiseaux et assiste à un très beau coucher de soleil sur la jungle. Retour au lodge et repas avec poisson. Ça tombe bien, j’avais précisé à Ronaldo que je n’aimais pas ça (comme quoi…) puis vers 20h, sortie nocturne avec le guide Luis (oui, Raul faisait juste accompagnateur de bateau sur ce coup). Je vois trois tarentules, plein d’autres araignées, beaucoup de grenouilles, des chenilles, sauterelles, punaises, libellule, lucioles et autres insectes dont des moustiques en tabernak ! Mais niveau piqûre, je m’en sors bien. On marche assez loin, au moins jusqu’à une maison où Luis refile un petit billet au proprio (me donnant l’impression que nous sommes allés aussi loin juste pour cela). On a un joli concert de grenouilles en chemin, sur une zone inondée, avec beaucoup de lucioles. Un son et lumière bien cool. Aussi quelques chants simiesques et des hiboux qui se répondent.
On s’arrête à une petite tienda où Luis me fait goûter le rhum local « naturel ». Sa canne à sucre macérée sent fort mais à un goût plus léger. Deux petits verres et puis s’en vont. Nous rentrons avec nos voisins du lodge (un habitant je crois et Pepe, guide aussi), ils sont un peu torchés.
Au lodge, il y a trois finlandais, Cathy, jeune femme au français impeccable (un an à Parthenay ! Sans dec’ !) et ses parents. Ils repartent demain après le déjeuner.
Je m’endors avec les bruits de la jungle. Ça me rappelle un peu la Ciudad perdida. C’est très agréable.

Petite hutte temporaire de pêcheurs







Une luciole à deux "phares".
Mardi 19 décembre
Réveil à 5h30, lever à 6h10. Début matinal parce que les fins de nuit sont fraîches et que ça réveille. Résultat, je me balade solo en attendant le petit-déjeuner de 8h. Je vois des oiseaux dont des colibris ; déjà quelques libellules. 8h10, petit-déjeuner (œufs pains beurre confiture), je me gave. Les œufs ont un goût de ferme, ce bon petit goût de terroir… de terre plutôt, enfin, non, cette odeur dégueulasse qu’on a parfois au poulailler où l’on se demande si ça n’emprunte pas un peu sa pestilence à la fiente. Cette odeur-là vous voyez, oui. Et en bouche, ça passe tout pareil. C’est plutôt ténu mais assez pour gâcher. Je sale beaucoup et coupe avec de la confiture pour cacher ce désagrément. Je goûte un bout de main d’un singe, le mono raña, cuit par les locaux pour les locaux, chassés sur l’autre rive (paraît que de notre côté, ça ne se fait pas et les gens seraient surpris d’un coup de feu ; paraît…).
9h15 : début de la balade. On longe la rive et là, et ben pas mal du tout de chez du tout. Avec Luis, on observe vraiment plein de bestioles, des rapaces, un méga-hibou bien gros et tout blanc au loin, un martin-pêcheur, des échassiers type héron, des jacanas (j’adore toujours autant), un autre type de vautours que le traditionnel urubu noir, des oiseaux grégaires au joli jaune, un pico rojo (bec rouge), et une sorte de dindon géant, un couple nicheur, qui a une plume en forme d’antenne sur la tête. On continue un peu dans la jungle, les moustiques sont alors en nombre. C’est le territoire des papillons, je croise une demoiselle. A chaque gros arbre au réseau racinaire surélevé, je m’attends à voir un payanke caché dans ses contours et le souvenir des Seychelles remonte en force. La sortie a vraiment été sympa, me permettant surtout de voir mon premier paresseux, pionçant très haut dans son arbre. Hâte de tenter de le voir en activité.
Etonnant aussi de voir des cabanes cramées en chemin, incendie accidentel il y a deux mois en pleine journée. Je ne suis pas trop surpris vu qu’ici, en soirée, nous avions des lampes à pétroles métalliques allumées.
Dans la matinée est arrivé un allemand aux traits tirés, yeux pochés à la Benjamin Biolay, proche de la cinquantaine d’origine turque venu ici faire une séance de ayahuasca. Késako ? C’est une exploration intérieure pour purifier ton corps des parasites. Bref, c’est un rite hallucinogène chamanique qui te fout la chiasse et la gerbe. Et des gens veulent le faire. Perso, je ne pense pas être rongé par des vers solitaires ou des larves de ténia dans la chair, donc niveau parasite, je me sens clean. Bref, ça me débecte plus qu’autre chose et doit y avoir d’autres moyens de se nettoyer le corps et la tête. En tout cas respect déjà à ceux qui le font en tentant de suivre les indications, à savoir surtout une diète sans sel, matière grasse, produits animaliers. Bref, beaucoup de fruits et quelques légumes.
Il est 15 heures, le moment de repartir en balade dans la forêt et de voir un peu plus le côté sauvage de l’Amazonie. Les chemins sont plus boueux, glissants. Je vois des petites grenouilles marrons cette fois (hier était une ode au vert et jaune) une silhouette de toucan en vol et un singe nocturne à l’entrée de son terrier. Il a une tête de marsupial plus que de primates. Luis m’emmène devant quelques grands arbres qui ont 500 et 900 ans et sont plutôt impressionnants. Bref, marche sympathique bourrée de moustiques mais je m’en tire pas mal.
Nous nous abritons à la hutte de la tienda juste avant que la pluie ne tombe et je rebois deux shooters de rhum local pour l’occasion.
Le soir, vers 20h30, l’allemand a le droit à sa séance d’ayahuasca et je peux y assister. Un chaman en jeans et chemise est présent. Il souffle de la fumée dans une bouteille en plastique type coca qui a pris une tournure marron, lui sert un petit verre à boire cul sec. Il veut aussi que je participe, je décline l’invitation. Puis on attend voir s’il dégobille. Ça peut prendre 20 minutes avant de faire effet. Rien. Ils veulent éteindre la lumière, le chaman veut lui remettre une ration. J’en profite pour m’éclipser mais je veux quand même voir la gueule du breuvage et je peux. C’est un beau marron rempli de particules (terre ?) et ça a une saveur plutôt amère (oui j’en ai bu une goutte déposée dans ma paume). Ça m’a fait penser au café mais un local a parlé de cacao pur et que certains chamans l’utilisent et c’est vrai que ça peut le faire aussi. Mais le chaman du coin ne semble pas utiliser cela.. Bref, je pars pendant que dans la nuit le chaman sifflote son chant rituel et c’est vers un bon 21h30 que j’entends depuis mon lit mon gars dégobiller. Curieux de savoir ce qu’il m’en racontera demain matin.



Un pico rojo


Un singe nocturne qui se nommerait Chiganejo.

ça s'appellerait un Ouimba




Mercredi 20 décembre
Réveil à 5h. La nuit fut fraîche et je me réveille encore dans la nuit, décide finalement à m’enfiler dans mon sac de couchage. Je ferais directement cela pour les deux dernières nuits.
Après avoir aperçu un serpent bien haut dans un arbre à attendre un oiseau, nous partons pagayer le long de l’Amazone et rejoignons une embouchure de rivière dans le fleuve, là où les pêcheurs viennent, des oiseaux se positionnent sur l’ilot alentour et les dauphins roses et gris sont en nombre et de la partie. C’est nuageux mais j’arrive quand même à capter un peu de lumière pour tenter des jolies photos parce que le cadre s’y prête merveilleusement et ce serait dommage de louper ça.
Retour pour le petit-déjeuner à 8h, je parle avec l’allemand de sa nuit. Chose promise, chose due, tout ce qu’il avait en lui est ressorti par tous les trous mais pas d’effet hallucinogène. Le chaman lui a dit que ça venait sûrement du fait qu’il prend de la marijuana tous les jours. Et puis, son corps en a vu d’autres, il a pris de tout le gars. Il bosse dans une discothèque, tantôt barman, tantôt propriétaire, tantôt DJ, j’ai du mal au final à comprendre et démêler le vrai du faux (ou alors tout est vrai à des périodes différentes) mais c’est assez drôle finalement de parler d’un des summums de la vie moderne et superficielle de notre civilisation, le monde de la nuit, au milieu d’un endroit qui consiste normalement à retourner vers les bases et l’essentiel (et encore, on ne dort pas dehors et on ne pratique pas la cueillette) dans l’imagerie populaire. J’ai au moins appris que selon lui, pour bosser là-dedans, faut boire et/ou se droguer pour être toujours plein de bon énergie pour les clients, sinon, tu ne tiens pas. Rassurant.
Nous repartons dans la même zone, un poil plus loin, en bateau à moteur cette fois. Je vois pas mal d’oiseaux familiers mais j’ai quelques surprises aussi : Cormorans, trois types de sternes, des aigrettes aux pattes et doigts noirs, des hérons bleus foncés et des petits hérons style striés (mon livre des oiseaux d’Amérique me manque dans ces moments-là parce que je sais que certaines espèces vues ici y sont représentées), un piaf un peu du genre rousserole en plus beau ou encore des rapaces. La sortie est paisible, nous croisons très peu d’embarcations et on a l’impression que tout ça est juste pour nous. Un grand moment de calme et sérénité.
L’après-midi est consacrée au même site mais en rivage cette fois et en y allant à pied. Je comprends mieux le fonctionnement de la civilisation ici et constate qu’en fait, on n’est pas du tout perdus dans la jungle. En dix-douze minutes, on atteint un petit pueblo avec une place centrale herbeuse consacrée au foot, entourée de suffisamment de baraquements pour se sentir en territoire rural.
Je vois deux espèces de singes, une dans les arbres qui borde le lodge (plus près, tu ne peux pas), le plus petit singe du coin, des ouistitis (mono titi) et à l’autre bout de la balade, bien vu, un singe ardilla sautant de branches en branches. Sur le chemin se voient des marguaritas (bel oiseau cuivré), des jacamars (cousin du toucan), un canard (pas évident à dire vrai à trouver ; le sacha pato ou canard sylvestre), les pics les plus petits du coin, un Pico blanco (tout noir avec deux points blancs sur les côtés du bec) et des tourterelles d’un chouette violet.
Nous allons voir des nénuphars géants, ce seraient les plus grands du monde, où trainent dessus jacanas (tiens, ça me rappelle les abords de Darwin en Australie) et râles (grosse chance) et un type de râles. Ensuite, je peux goûter deux boissons, un rhum local mais avec du gingembre cette fois (très, trop, fort en gingembre) et une boisson rose-rouge faite à partir des fruits du camu camu (une sorte de palmiers), et ça, c’était vraiment très bon, fruité, pas fort du tout, à conseiller. Les bouteilles artisanales se vendent 25 soles. Paraît qu’un verre de camu camu à Iquitos, c’est 15 soles. Retour crépusculaire et superbe coucher de soleil. Jolie petite journée avec beaucoup de bestioles vues.
Au fait, j’ai eu de l’omelette au petit-déjeuner et au diner. Bon, le coup des œufs dégueu la veille, on va le mettre sur le compte du pas de bol parce que c’était très bien là.











Un ouistiti

Le Jacamar





Un Jacana

Un paresseux




Jeudi 21 décembre
Des œufs, encore des œufs. Du petit-déjeuner au souper, ça commence à être lassant malgré les excuses de Luis au dîner pour m’en servir une dernière coup’. Niveau plat typique, on repassera. Typique de l’Amérique du sud oui, c’est sûr mais de la selva, c’est moyen. On va de l’autre côté de l’Amazone pour voir des oiseaux, si c’est différent d’où nous sommes. On accoste un peu plus en aval, à San Rafael (au passage, je suis dans la bourgade de Santa Marta de Fatima), un autre pueblito que nous traversons pour aller directos dans la partie jungle.
En chemin, j’interroge Luis sur le chemin que nous empruntons près de notre lodge et de la partie qui est à pic du fleuve. C’est un peu dangereux quand même. En fait, durant les 18 derniers mois, on a eu un bel effondrement des berges et ça a englouti bien 150m² de surface. C’est dû aux gros bateaux qui font des remous et ça grignote la terre plutôt sableuse de la selva. Vu le trafic, ça va continuer longtemps. Niveau  bestioles, je vois un toucan, un singe, trois-quatre autres oiseaux. Que du neuf donc c’est cool.
L’après-midi, c’est trois verres de rhum à la tienda puis tour en pagaie dans la roselière inondée où se trouvent les nénuphars géants (ils ont des super piquants d’ailleurs). Pas grand-chose de nouveau mais de beaux paysages et deux-trois dauphins gris pour nous souhaiter bonne nuit.
Nous passons aux abords du village. Femmes et enfants rejoignent la rive au crépuscule. Ils sont dispatchés tout le long mais certains se concentrent plus spécialement vers un grand et bel arbre. Sûrement centenaire, de 15-20m de haut, aux racines tortueuses et innombrables qui serpentent tout autour de son tronc et viennent caresser la surface de l’Amazone. Les femmes remplissent seaux et autres récipients en plastiques pour laver le linge ou emmener au village, à une centaine de mètres dans les terres. Les enfants se  baignent et se lavent au pied de l’arbre. Les bulles de savon partent dans le fleuve. Ils courent autour du tronc pendant que les femmes, assises sur les racines, discutent. Le ciel se fend d’orange et de rouge. La nuit va tomber dans les prochaines minutes mais juste avant, l’effervescence au bord de la rivière est à son apogée, joyeuse et animée, comme un dernier sursaut de vie avant que le noir n’emporte tout pour quelques heures.
De nouveau trois verres de rhum à la boutique, servis par Sofie, puis on rentre avec la nuit.




Un pico blanco





Le ponton de San Rafael








Vendredi 22 décembre
Dernière matinée sur les bords du fleuve. Je commence en allant chercher le paresseux situé à deux minutes du lodge. Il est toujours là, dans le même arbre (en même temps, c’est normal) depuis 2 jours mais beaucoup plus bas et actif ! Bon, actif, c’est relatif pour cet animal, c’est sûr mais en le regardant longtemps, on peut voir sa tête bouger.
Puis départ en pagaie pour une petite pêche aux piranhas. Ces bestioles ont une capacité à manger l’appât sans se prendre l’hameçon assez incroyable. Faut donc tirer un coup sec au bon moment. Luis se débrouille très bien et j’ai l’air très vite minable. Finalement, je récupère 4 poissons dont un sabalo (une espèce qui a un peu l’allure d’une truite) contre 6 pour Luis ; je m’en sors bien. Voilà assez de poissons pour nourrir les gens du lodge et les deux chats.
Voilà l’excursion finie, après déjeuner, à 13h, je repars en remerciant chaleureusement tout le monde pour leur accueil et gentillesse. Trois chinois prennent ma place dans ce lodge. Pour le retour à Iquitos, c’est un peu, tu te démerdes. Personne au quai donc, je prends un tuk-tuk pour retourner à l’hôtel, donc plutôt décevant quand tu sais que tu payes un excursion pour être pris en charge jusqu’au bout.






Le bilan, c’est que j’ai vu beaucoup d’animaux donc je suis très content de ces quatre jours pour ça. Un peu déçu que nous n’ayons pas eu une sortie de nuit pour tenter de voir un caïman ou un anaconda.
Pour quatre jours complets à 20 bornes à vol d’oiseau d’Iquitos (au nord-est) à 650 soles, ça valait le coup mais j’aurais dû négocier un peu plus le prix je pense.