Commençons directement par ce troisième jour donc, si vous voulez voir
les deux premiers, fiez-vous aux articles d’avant. Je prends enfin ce fameux
petit avion pour Praslin, le décor est épatant, j’avoue. La graduation de la
couleur de l’océan allant du vert au bleu est impeccable, déroutante,
paradisiaque, c’est le rêve des tropiques, yeux grands ouverts.
J’arrive et retrouve donc le Chef Manager de Aride Island, Uzice.
J’apprendrais plus tard que tout le monde l’appelle Manager donc il y a des
chances que je m’y mette aussi. Uzice m’emmène près du bateau qui nous mènera à
Aride mais avant cela, je dois acheter à manger. J’ai le temps puisque de toute
façon, nous ne partons pas avant 17h, le temps qu’une personne d’Aride revienne
de Mahé où il est parti en matinée voter. Oui, ce sont les élections
présidentielles en ce moment. Six partis au lieu de… un d’habitude (enfin deux
mais bon vous voyez le truc), donc il y aura possiblement du changement.
J’ai donc deux bonnes heures devant moi. Les courses me prennent trente
minutes, j’ai bien pris le temps de vadrouiller de magasin en magasin pour
savoir ceux qui valaient la peine. Puis j’ai attendu près du bateau. J’ai vite
marché le long de la plage pour faire quelques photos d’oiseaux limicoles. Là,
je me fais apostropher par un pêcheur qui me dit de venir le voir. Curieux, j’y
vais, peut-être qu’il a un poisson dont il est super fier et qu’il veut me
montrer. Non, pas du tout, c’est un putain de filou, José, unijambiste suite à
un accident de moto sur Praslin il y a 15 ans. Il a une cinquantaine de
poisson, des cordonniers si j’ai bien compris, avec une belle nageoire dorsale
piquante, et vu qu’il a qu’une jambe, il me demande l’aider à porter ses
poissons sur son étal, en bord de route, parce que son pote n’arrive pas. Bien
aimable, je l’aide et récupère sa poiscaille, enfilé par dizaine autour d’un
fil en plastique. Je les trimballe sur 300 mètres jusqu’à son reposoir mais bon
sang que c’est lourd ! Mes doigts étaient rouges avec des zones de
pression complètement blanches, les déformations étaient fortes, la perte de
sensation dans les doigts réelles. A l’heure où j’écris, huit heures après
l’anecdote « José », j’ai encore des fourmillements dans l’annulaire
et l’auriculaire de ma main gauche. Pour cette aide pas dégueulasse, je pensais
que le José allait me filer un poisson (je n’en mange pas mais bon, j’étais
curieux de voir) mais non, rien du tout. La philanthropie n’est pas de mise
ici, le pigeonnage est un art, mon intérêt pour le savoir-être seychellois
s’amenuise un poil plus.
Je retourne attendre. Là où je suis en fait, il y a deux gars de l’ICS
déjà là et ils attendent dehors, près de la plage en papotant avec une
vingtaine de personnes. Il est 15h30. Mais qui bosse ?
Il se met à pleuvoir, mon sac dans le bateau se prend une saucée. Trop
tard, faudra que je sèche tout une fois à destination. Heureusement, tout ce
qui est électronique est soit dans une caisse étanche, soit avec moi. Mais ça
fait bien chier quand même, surtout quand tes « collègues » s’en
foutent.
Les gens me saluent, me demandent qui je suis, curiosité bienveillante
et agréable, ça va. Par contre, les questions sont souvent teintées d’un
certain degré d’alcool dans le sang. Bière, rhum, ça boit vite et bien ici.
Certains sont vraiment déchirés et malgré leur bonhomie, l’image du seychellois
en prend encore un coup (et ne fera que se confirmer).
Mais ce que je préfère, c’est leur conscience environnementale ;
nulle. Le bord du mini-market est jonché de capsules de bières, mégots et
autres petits emballages plastiques. Quand les gars de l’ICS y vont de leur
coup de main envers mère nature, là, je me dis qu’on a visé très haut l’absence
d’éducation à la conscience environnementale (ne vous inquiétez pas, ils
boivent aussi). Comment aider un pays à faire des progrès environnementaux
quand même les personnes exerçant des métiers de protection de la nature chient
dans les nids de tortues qu’ils surveillent ? C’est une métaphore, stricto
sensu, ils ne le font pas, enfin je crois. Bref, il y a du boulot !
Ensuite, nous partons enfin pour Aride, à bord de notre bateau. Ah mais
c’est un gros pneumatique à moteur. Ah mais on en a pour 45 minutes (faut, ça a
duré moins mais vrai, ça a bien fait 45 minutes vu qu’on a fait demi-tour après
5 minutes pour récupérer un sac, tenter plutôt. Oui, on a fait demi-tour pour rien).
Ah mais c’est long quand même pour rester sur ce petit truc en toute sécurité.
La sécurité, tu l’oublies. Les instructions, tu les oublies. La
politesse, tu l’oublies. Quand on te signe du doigt, limite siffle, pour te
signaler que c’est le moment de rejoindre le bateau, moi les gars, j’attends au
moins qu’on me parle et que j’ai les instructions à voix haute (j’ai attendu et
j’ai eu). On te file un gilet de sauvetage sans spécialement préciser de le
mettre, ni comment ; bon, normalement, t’es pas con, vu la situation, tu
sens bien qu’il faut le mettre et tu devines qu’il faut bien tout serrer. Par
contre sur le bateau, on ne t’explique pas comment bien t’accrocher au bateau et là, je
pense qu’à certains passages, plus d’un aurait vraiment volé un court instant.
Quitter Praslin en bateau, comme cela, file tout de même une superbe
sensation, les arbres tropicaux qui longent le sable, les collines granitiques
en décor de fond, l’esprit Koh Lanta n’est pas loin. Mais une fois sur place,
bon sang, c’est quelque chose. Il y a des crabes verts qui se promènent un peu
partout, à la tombée de la nuit, les Bernard Lhermitte sont aussi de la partie,
des puffins campent près des baraquements. Des geckos déambulent partout sur
les murs. Surtout, on n’est pas plus de quinze sur Aride. Sept de l’ICS, Uzice
qui m’a accueilli m’a dit aller chez le coiffeur mais n’est pas revenu ;
j’en déduis que son coiffeur habite très loin (ou autre chose) et 6 indiens qui
dorment je ne sais où et sont ici pour faire je ne sais quoi (de la
construction très certainement). J’en saurais plus en temps voulu.
Mon logement, une double chambre avec ma salle de bains et cuisine. Du
grand luxe dis donc pour un trou paumé. Il y a vingt ans, c’était la vraie aventure mais là, je trouve que c’est
vraiment confortable.
Je rencontre Delphine, volontaire depuis un mois, et Mellinda, anglaise
chargée d’études depuis 2012 sur Aride. Elles mes font découvrir le site et
surtout me montrent sur le planning que mon nom était accolé aux leurs pour une
sortie sur les terriers de puffins ce soir. Le départ est dans trente minutes
mais voilà, je viens d’arriver donc je peux zapper le truc si je veux parce que
je dois être fatigué. Ça dure deux heures en plus.
Putain non !!!!! Je veux en être, même si tu me dis que marcher de
nuit au milieu de la végétation n’est pas simple, etc. JE VEUX VOIR CELA !
Mellinda est étonnée, peu de gens feraient ça me dit-elle. Moi, je
pense que plein de mes potes auraient fait comme moi. Départ donc à 19h15 (il
fait nuit) pour deux heures de folie, ah bah non, qu’une heure en fait. Une
fois arrivé près des terriers, elle remarque qu’elle a oublié ses clés USB, qui
lui servent à faire des enregistrements. L’étude est reportée, bordel !!!!
Mais cette vadrouille était déjà superbe. Découvrir l’ile de nuit,
gravir ses rochers de granit, voir les Puffins au sol près de soi, à surveiller
leurs terriers, planqués quelque part aux alentours, voir des foutus
mille-pattes géants, être surpris par des Fairy Tern voleter au-dessus de toi,
près de leurs nids et/ou poussins, qui doivent bien être là encore planqués
quelque part mais cette fois dans les branches, entendre les appels nocturnes
de ces oiseaux marins, se perdre un peu en chemin et enfin croiser dans une
entrée de terrier un juvénile de White-Tailed Tropicbird (putain de
coche !), ça valait vraiment cet « effort », si effort il y
avait, d’accompagner les filles dans cette étude ajournée.
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