samedi 5 décembre 2015

journal de bord, 03/12/2015

Tenir un journal de bord, cette idée, aussi vieille que les premiers grands navigateurs, m’est devenue évidente durant mon troisième jour aux Seychelles. Suite à l’observation d’un ensemble de faits, je me suis soudain mis à constater que si je ne notais pas tout cela le plus tôt possible, je l’oublierai, j’en ferai fi dans les articles du blog, privilégiant les photos naturalistes au détriment de la confrontation culturelle. Il me semble donc important de relater tous ces petits détails, par l’œil complétement subjectif, je l’accorde, du petit français naturaliste que je suis.

 
Commençons directement par ce troisième jour donc, si vous voulez voir les deux premiers, fiez-vous aux articles d’avant. Je prends enfin ce fameux petit avion pour Praslin, le décor est épatant, j’avoue. La graduation de la couleur de l’océan allant du vert au bleu est impeccable, déroutante, paradisiaque, c’est le rêve des tropiques, yeux grands ouverts.

J’arrive et retrouve donc le Chef Manager de Aride Island, Uzice. J’apprendrais plus tard que tout le monde l’appelle Manager donc il y a des chances que je m’y mette aussi. Uzice m’emmène près du bateau qui nous mènera à Aride mais avant cela, je dois acheter à manger. J’ai le temps puisque de toute façon, nous ne partons pas avant 17h, le temps qu’une personne d’Aride revienne de Mahé où il est parti en matinée voter. Oui, ce sont les élections présidentielles en ce moment. Six partis au lieu de… un d’habitude (enfin deux mais bon vous voyez le truc), donc il y aura possiblement du changement.

J’ai donc deux bonnes heures devant moi. Les courses me prennent trente minutes, j’ai bien pris le temps de vadrouiller de magasin en magasin pour savoir ceux qui valaient la peine. Puis j’ai attendu près du bateau. J’ai vite marché le long de la plage pour faire quelques photos d’oiseaux limicoles. Là, je me fais apostropher par un pêcheur qui me dit de venir le voir. Curieux, j’y vais, peut-être qu’il a un poisson dont il est super fier et qu’il veut me montrer. Non, pas du tout, c’est un putain de filou, José, unijambiste suite à un accident de moto sur Praslin il y a 15 ans. Il a une cinquantaine de poisson, des cordonniers si j’ai bien compris, avec une belle nageoire dorsale piquante, et vu qu’il a qu’une jambe, il me demande l’aider à porter ses poissons sur son étal, en bord de route, parce que son pote n’arrive pas. Bien aimable, je l’aide et récupère sa poiscaille, enfilé par dizaine autour d’un fil en plastique. Je les trimballe sur 300 mètres jusqu’à son reposoir mais bon sang que c’est lourd ! Mes doigts étaient rouges avec des zones de pression complètement blanches, les déformations étaient fortes, la perte de sensation dans les doigts réelles. A l’heure où j’écris, huit heures après l’anecdote « José », j’ai encore des fourmillements dans l’annulaire et l’auriculaire de ma main gauche. Pour cette aide pas dégueulasse, je pensais que le José allait me filer un poisson (je n’en mange pas mais bon, j’étais curieux de voir) mais non, rien du tout. La philanthropie n’est pas de mise ici, le pigeonnage est un art, mon intérêt pour le savoir-être seychellois s’amenuise un poil plus.

Je retourne attendre. Là où je suis en fait, il y a deux gars de l’ICS déjà là et ils attendent dehors, près de la plage en papotant avec une vingtaine de personnes. Il est 15h30. Mais qui bosse ?

Il se met à pleuvoir, mon sac dans le bateau se prend une saucée. Trop tard, faudra que je sèche tout une fois à destination. Heureusement, tout ce qui est électronique est soit dans une caisse étanche, soit avec moi. Mais ça fait bien chier quand même, surtout quand tes « collègues » s’en foutent.

Les gens me saluent, me demandent qui je suis, curiosité bienveillante et agréable, ça va. Par contre, les questions sont souvent teintées d’un certain degré d’alcool dans le sang. Bière, rhum, ça boit vite et bien ici. Certains sont vraiment déchirés et malgré leur bonhomie, l’image du seychellois en prend encore un coup (et ne fera que se confirmer).

Mais ce que je préfère, c’est leur conscience environnementale ; nulle. Le bord du mini-market est jonché de capsules de bières, mégots et autres petits emballages plastiques. Quand les gars de l’ICS y vont de leur coup de main envers mère nature, là, je me dis qu’on a visé très haut l’absence d’éducation à la conscience environnementale (ne vous inquiétez pas, ils boivent aussi). Comment aider un pays à faire des progrès environnementaux quand même les personnes exerçant des métiers de protection de la nature chient dans les nids de tortues qu’ils surveillent ? C’est une métaphore, stricto sensu, ils ne le font pas, enfin je crois. Bref, il y a du boulot !

Ensuite, nous partons enfin pour Aride, à bord de notre bateau. Ah mais c’est un gros pneumatique à moteur. Ah mais on en a pour 45 minutes (faut, ça a duré moins mais vrai, ça a bien fait 45 minutes vu qu’on a fait demi-tour après 5 minutes pour récupérer un sac, tenter plutôt. Oui, on a fait demi-tour pour rien). Ah mais c’est long quand même pour rester sur ce petit truc en toute sécurité.

La sécurité, tu l’oublies. Les instructions, tu les oublies. La politesse, tu l’oublies. Quand on te signe du doigt, limite siffle, pour te signaler que c’est le moment de rejoindre le bateau, moi les gars, j’attends au moins qu’on me parle et que j’ai les instructions à voix haute (j’ai attendu et j’ai eu). On te file un gilet de sauvetage sans spécialement préciser de le mettre, ni comment ; bon, normalement, t’es pas con, vu la situation, tu sens bien qu’il faut le mettre et tu devines qu’il faut bien tout serrer. Par contre sur le bateau, on ne t’explique pas  comment bien t’accrocher au bateau et là, je pense qu’à certains passages, plus d’un aurait vraiment volé un court instant.

Quitter Praslin en bateau, comme cela, file tout de même une superbe sensation, les arbres tropicaux qui longent le sable, les collines granitiques en décor de fond, l’esprit Koh Lanta n’est pas loin. Mais une fois sur place, bon sang, c’est quelque chose. Il y a des crabes verts qui se promènent un peu partout, à la tombée de la nuit, les Bernard Lhermitte sont aussi de la partie, des puffins campent près des baraquements. Des geckos déambulent partout sur les murs. Surtout, on n’est pas plus de quinze sur Aride. Sept de l’ICS, Uzice qui m’a accueilli m’a dit aller chez le coiffeur mais n’est pas revenu ; j’en déduis que son coiffeur habite très loin (ou autre chose) et 6 indiens qui dorment je ne sais où et sont ici pour faire je ne sais quoi (de la construction très certainement). J’en saurais plus en temps voulu.

Mon logement, une double chambre avec ma salle de bains et cuisine. Du grand luxe dis donc pour un trou paumé. Il y a vingt ans, c’était la  vraie aventure mais là, je trouve que c’est vraiment confortable.

Je rencontre Delphine, volontaire depuis un mois, et Mellinda, anglaise chargée d’études depuis 2012 sur Aride. Elles mes font découvrir le site et surtout me montrent sur le planning que mon nom était accolé aux leurs pour une sortie sur les terriers de puffins ce soir. Le départ est dans trente minutes mais voilà, je viens d’arriver donc je peux zapper le truc si je veux parce que je dois être fatigué. Ça dure deux heures en plus.

Putain non !!!!! Je veux en être, même si tu me dis que marcher de nuit au milieu de la végétation n’est pas simple, etc. JE VEUX VOIR CELA !

Mellinda est étonnée, peu de gens feraient ça me dit-elle. Moi, je pense que plein de mes potes auraient fait comme moi. Départ donc à 19h15 (il fait nuit) pour deux heures de folie, ah bah non, qu’une heure en fait. Une fois arrivé près des terriers, elle remarque qu’elle a oublié ses clés USB, qui lui servent à faire des enregistrements. L’étude est reportée, bordel !!!!

Mais cette vadrouille était déjà superbe. Découvrir l’ile de nuit, gravir ses rochers de granit, voir les Puffins au sol près de soi, à surveiller leurs terriers, planqués quelque part aux alentours, voir des foutus mille-pattes géants, être surpris par des Fairy Tern voleter au-dessus de toi, près de leurs nids et/ou poussins, qui doivent bien être là encore planqués quelque part mais cette fois dans les branches, entendre les appels nocturnes de ces oiseaux marins, se perdre un peu en chemin et enfin croiser dans une entrée de terrier un juvénile de White-Tailed Tropicbird (putain de coche !), ça valait vraiment cet « effort », si effort il y avait, d’accompagner les filles dans cette étude ajournée.

 
Retour – rhum – discussion – dodo. On était tous les six là  (comme je disais, les indiens sont… ailleurs) et j’en apprenais un peu plus sur les collègues Albert, Juan et Jim. Il y aurait de quoi dire encore mais là, déjà, tout cela me va et je préfère grandement achever la soirée sur des pensées avifaunistiques.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire